Troisième
et dernier post à propos d'Homo naledi,
dont il est à prévoir que l'on n'entendra plus tellement parler (en
tant qu'espèce bien entendu, car les fossiles, eux, alimenteront on
l'espère de nombreuses analyses). Venons-en au site, Rising
Star, et à la proposition de Lee Berger et de ses collègues qu'il
s'agit d'un dépôt intentionnel par les membres de cette population.
Ce sujet fait l'objet d'un second article. Il est aussi en libre accès, mais si vous n'êtes pas
spécialistes, je vous en déconseille la lecture : c'est tout aussi
technique que le premier, et même un peu plus confus.
Dans
leur opération de communication, Lee Berger et ses collègues ont
donc affirmé que l'hypothèse la plus vraisemblable est que ces
hominidés auraient été inhumés par leurs congénères dans la
« Dinaledi chamber », espace situé à l'extrémité
d'un réseau karstique particulièrement inaccessible. A preuve : il
n'y ont ramassé que des ossements d'hominidés, tandis que la salle
précédente contient abondance d'autres restes animaux. Et il n'y
aurait pas d'autre accès que ces étroits couloirs, dans lesquels il
faut parfois adopter la « position de vol de Superman »
pour passer (un bras en avant, l'autre le long du corps). On peut se
demander comment des individus ont pu amener là des dizaines de
corps, vu l'étroitesse des passages : les morts aussi jouent à
Superman? Et comment y passer des torches pour s'éclairer?
Les
spécialistes que j'ai interrogés sont encore plus critiques sur cet
article que sur celui concernant l'anatomie. Selon eux, il laisse
subsister nombre d'incertitudes quant aux processus de dépôt. Par
exemple, les photographies présentées ne convainquent pas Bruno Maureille, du laboratoire PACEA du CNRS et de l'université de
Bordeaux, que des os ont été retrouvés en connexion
anatomique. « En outre, l'assemblage est décrit avec des os à
l'horizontale, d'autres à la verticale : cela révèle que les dépôt
ont été fortement bouleversés depuis que les corps sont arrivés
là », précise-t-il.
L'histoire
géologique du site est manifestement encore trop mal connue. A quel
moment, par exemple, le bloc qui sépare la « Dinaledi
chamber », qui contient les fossiles d'hominidés, de la
« Dragon chamber », qui contient, elle, des fossiles
d'autres animaux, est-il tombé du plafond? Comment ces derniers
fossiles sont-ils arrivés là? Et comment expliquer que l'on ait
retrouvé des restes d'oiseaux dans la Dinaledi chamber? On voit mal
un volatile s'aventurer dans le noir sur plusieurs centaines de
mètres dans de si étroits passages.
Au passage, cette histoire d'inhumation me laisse songeur quant à la rigueur de Lee Berger. Il n'a en effet pas hésité à affirmer, lors de la conférence de presse de présentation des résultats, que l'on pensait jusqu'à présent que l'inhumation des morts était le fait exclusif de notre espèce Homo sapiens. Histoire de bien insister sur l'extraordinaire de la découverte. Ignorerait-il que Neandertal enterrait lui aussi ses morts? A moins qu'il ne considère que Neandertal est un simple Homo sapiens? Pourquoi pas, il ne serait pas le seul. Mais dans ce cas, je comprends d'autant moins qu'il néglige autant les questions de variabilité anatomique dans l'étude des fossiles (si Neandertal est un Homo sapiens, il n'y a vraiment aucune raison de ne pas considérer les fossiles de Rising Star comme de l'Homo erectus/ergaster)
Concernant
la conduite des fouilles elle-même, la presse a abondamment relayé
le fait que Lee Berger a recruté, via une annonce sur Facebook, des
fouilleuses assez minces pour se faufiler dans les étroits passages.
On peut comprendre que, ne connaissant pas la richesse du site, il
ait préféré investir dans l'humain que dans la technique (et les
« astronautes souterrains » font une belle histoire pour
National Geographic). Mais pourquoi, une fois l'importance du site
reconnue, les accès n'ont-ils pas été élargis à l'explosif? Je
me suis laissé dire que c'est une pratique courante en spéléologie.
Plus troublant encore, des rumeurs (je peux faire états de rumeurs,
je suis sur un blog!) évoquent une autre entrée du réseau : le
« passage de Superman » ne serait pas obligatoire pour
s'approcher de la salle contenant les ossements. Les
géologues de l'équipe ou d'autres, plus expérimentés, ne perdraient sans doute pas leur temps à retourner dans ce réseau
karstique à la recherche d'autres accès. Sur ce point aussi, la volonté de publier rapidement n'a sans doute pas aidé à la rigueur et à l'exhaustivité de l'analyse.
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