mercredi 11 février 2015

Sur le chantier de la "caverne de Pont d'Arc"



Saisissant! C'est le mot qui m'est venu à l'esprit hier, mardi 10 février 2015, en fin de matinée, en entrant dans la "Caverne de Pont d'Arc", à Vallon-Pont-d'Arc, en Ardèche. Malgré les travaux encore en cours et l'éclairage trop puissant, l'émotion est là. La richesse et la précision de cet espace de restitution de la grotte ornée de Vallon-Pont-d'Arc (dite grotte Chauvet), qui abrite les plus anciennes peintures de l'humanité, datées de 36 000 ans, permettra, j'en suis convaincu, que les visiteurs qui s'y presseront à partir du 25 avril prochain comprennent l'importance de cet ensemble d'oeuvres et découvrent qui étaient les hommes qui les ont réalisées.

La grotte "Chauvet" a été découverte à l'automne 1994 par trois spéléologues. Seul un étroit boyau (à peine élargi depuis) permet d'y pénétrer : le porche qui s'ouvrait largement dans la falaise, au dessus de l'Ardèche, s'est effondré et s'est fermé totalement il y a 21 000 ans. En outre, comme la plupart des grottes ornées, les concentrations de dioxyde de carbone et de radon interdisent des séjours trop prolongés. Enfin, après les expériences malheureuses de Lascaux, en Dordogne, ou d'Altamira, en Espagne, en particulier, personne n'imagine de jamais aménager le site pour permettre des visites du public, au risque de dégradations irréversibles.

Pourtant, cette grotte est un site majeur de la préhistoire mondiale. Elle contient en effet les manifestations les plus anciennes connues d'art rupestre, datées de 36 000 ans. En outre, ces dessins et peintures révèlent que, dès cette époque, les artistes maîtrisaient toute la complexité des représentations.

Comment alors, transmettre cette importance auprès du public? Le conseil régional de Rhône-Alpes et le conseil général de l'Ardèche ont lancé en 2007 le projet d'une reconstitution. Bien entendu, l'attrait d'un tel projet pour le développement de cette zone un peu isolée, et surtout fréquentée l'été, a aussi compté dans leur engagement.
Comme me l'a expliqué Richard Buffat, directeur du syndicat mixte en charge du projet, il y avait trois orientations possibles pour celui-ci. D'abord, le plus simple : ne reproduire que les panneaux ornés et les figures isolées les plus importants, et les exposer les uns à côté des autres dans une ambiance évoquant plus ou moins une grotte. Ensuite, comme à Lascaux 2, par exemple, restituer à l'identique une partie de la grotte, contenant les oeuvres les plus spectaculaires. Mais la grotte Chauvet s'étend sur plus de 8 500 mètres carrés, et les panneaux importants sont séparés par de grandes distances. Enfin, et c'est ce qui a été choisi, reproduire le plus fidèlement possible les zones importantes de la grotte, et les "raccorder" entre elles, pour les contenir dans une superficie de 3 000 mètres carrés.

En entrant (par ce qui sera la sortie du public, pour cause de travaux en cours), j'ai effectivement eu l'impression de me retrouver dans une grotte. Le décor est réaliste, et l'ambiance y est, avec les quelques degrés de moins qu'à l'extérieur, et une humidité appropriée. Ainsi, j'ai découvert les peintures et les gravures, reproduites avec une grande fidélité par Gilles Tosello et par l'atelier Arc et Os, sur des parois qui pourraient passer pour de vrais rochers, même si elles sont en ciment et en béton patinés. Les concrétions calcitées, réalisées par Danielle Allemand, de l'entreprise Phénomène, ajoutent au réalisme. Et sur le sol, restes d'ours côtoient traces de foyers et d'autres activités humaines.

C'est à s'y méprendre. A tel point que j'ai eu quelques difficultés à appréhender le rôle de Mélanie Claude, de l'agence Scène, scénographe du projet. Ce n'est qu'en l'écoutant m'expliquer ses interventions dans la caverne que j'ai compris. Contrairement à l'impression qui s'en dégage, l'espace qui nous est présenté est bel et bien une création. Certes, c'est un collage d'éléments réels, mais pour éviter un effet de juxtaposition, il a été nécessaire d'harmoniser ceux-ci, sur les conseils des scientifiques qui étudient la grotte bien sûr, mais sous la responsabilité d'une scénographe; comme dans n'importe quel espace d'exposition.

Je n'ai plus de doutes : je retournerai visiter la "caverne du Pont d'Arc", quand elle sera terminée et ouverte au public. Pour ressentir les émotions que peuvent procurer ces oeuvres venues du lointain passé. Ce qui ne m'empêchera pas, si je trouve une bonne raison, de demander à visiter la grotte elle-même, en compagnie des scientifiques. Je le sais depuis que je suis entré dans la grotte de Lascaux : rien ne remplace les sensations suscitées par la contemplation des originaux.

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